Experts immobiliers : comparaison n’est pas raison ?

 

Une des certitudes très ancrée depuis de nombreuses années pour les experts immobiliers est le sacro-saint principe du comparable. Mué en véritable religion ses fidèles sont nombreux et recrutent chaque année de nouveaux adeptes.

 

En dehors du comparable, point de salut !

Le postulat a des avantages solides : qui pourrait contester le raisonnement que pour évaluer correctement un bien, il faut observer ce qui s’est vendu en collectant les transactions les plus pertinentes ? L’expert en évaluation immobilière peut justifier sa valeur. Le mot est lâché : justifier. Quand est apparue la notion de bâtiment durable (liée au plan éponyme…remontant à près de 15 ans) les mêmes répondaient en cœur : impossible d’évaluer l’impact durable faute de références suffisantes. La valeur verte ? Références insuffisantes. Critères ESG ? Pas de références. Récemment des organisations professionnelles d’experts redisaient qu’il était difficile d’évaluer l’impact des critères environnementaux. Ouf, on ne change rien ou à peine et on repart jusqu’à la prochaine saison.

Depuis près d’un an la remontée des taux de rendement (joliment appelée « décompression des taux », les taux se décompressent mais les propriétaires se tendent) provoque toujours la même posture : faisons parler les points de comparaison. Il y a désormais un hic, les transactions (traduction : production de références) se périment vite et ne permettent pas aux mêmes tenants du principe intangible du comparable de tenir compte des modifications de marché. On atteint ici les limites de l’exercice car faut-il rappeler tout expert qui se respecte demeure un sachant dans l’art d’évaluer.

Sans parler qu’une transaction ne fait pas obligatoirement une référence. Il est donc évident que livrer des comparables en logistique, même au mois de mars ou de juin 2022 quand on doit évaluer en février 2023 sans intégrer des anticipations (toutes relatives car les prises de position des acteurs immobiliers et quelques références incarnent bien un changement de tendance) mènent à des valeurs ne reflétant plus le marché.

 

Quels risques pour les experts immobiliers ?

L’expert immobilier encourt le risque de surévaluer, notamment en immobilier d’entreprise. Les clients le rappellent eux-mêmes aux intéressés. Dans un marché haussier les références entrainent souvent des valeurs baissières par rapport au marché (on se souvient que durant la période de 2003 à 2007, en logement, les progressions supérieures à 10 % par an obligeaient les experts à réhausser les valeurs par rapport aux exemples de vente datant de 6 ou 12 mois), l’inverse est également vrai, dans un marché baissier les anciennes transactions alimentent des valeurs haussières. On s’était habitué à un marché toujours en croissance, avec des clients heureux de démontrer que leur vente était supérieure aux évaluations (comparables décalés par rapport à la hausse). Le chemin inverse risque d’être douloureux.

Il est donc nécessaire de briser un tabou : le comparable ne suffit plus dans le contexte actuel à déterminer des valeurs les plus ajustées possibles au marché. L’allongement des délais de commercialisation, la baisse des volumes, les écarts entre prix de présentation et prix de vente, le rapport entre nombre de demandeurs pour un produit, le positionnement des acteurs, la reconstitution d’une prime de risque immobilière, l’évolution des prix de présentation sont autant d’éléments, non étayées par des références, constitutifs de l’appréciation de l’expert et de sa valeur. C’est, il est vrai le retour (tout relatif) du « à dire d’expert ». Un mal nécessaire. Ou plutôt du bon sens.

C’est ce qui guide le travail de nos experts immobiliers, étayé par une relation plus étroite avec nos clients pour évoquer avec eux l’inversion des courbes que des références vite périmées ne reflètent qu’imparfaitement.